24 Août 2021
Alors que des organisations de conservation de la nature et des dirigeants du monde entier se préparent à se réunir à Marseille, en France, pour le Congrès mondial de la nature de l’UICN du 3 au 11 septembre, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement a publié une note d’orientation au ton ferme, dans laquelle il affirme que la réalisation des objectifs environnementaux « exige que l’on s’écarte radicalement de la conservation traditionnelle ». Il appelle plutôt à une approche radicalement différente, fondée sur les droits.
Alors que le congrès de l’UICN proposera un élargissement des efforts de conservation de la nature actuels – notamment en appelant à étendre les “Aires protégées” pour qu’elles couvrent 30 % de la planète –, la nouvelle note d’orientation de David Boyd, de l’ONU, critique les « échecs » du modèle actuel. Il appelle à la place à une « approche transformatrice », qui place les droits humains et les peuples autochtones au cœur de la conservation de la nature, y compris le controversé Cadre mondial pour la biodiversité post-2020.
Son appel sera amplifié lors d’un contre-congrès qui se tiendra avant le congrès de l’UICN à Marseille, les 2 et 3 septembre. “Notre terre, notre nature”, un événement mondial unique visant à décoloniser la conservation de la nature, réunira plus de 30 militants, experts et scientifiques, autochtones et non autochtones, d’une vingtaine de pays et offrira une contre-narration au congrès “officiel” de l’UICN. Plus de 1600 personnes se sont déjà inscrites pour participer à l’événement.
La note de l’ONU affirme que le quoi, le qui et le comment de la conservation de la nature doivent changer et ajoute que « la mise en œuvre d’approches de conservation de la nature fondées sur les droits est à la fois une obligation légale en vertu du droit international et la stratégie de conservation la plus équitable, la plus efficace et la plus efficiente disponible pour protéger la biodiversité à l’échelle requise pour mettre fin à la crise mondiale actuelle ».
Fiore Longo, responsable de la campagne sur la conservation de la nature de Survival, a déclaré aujourd’hui : « De nombreux peuples autochtones et Survival affirment depuis des décennies que la “conservation-forteresse” poussée par les grandes organisations de conservation de la nature comme le WWF et la Wildlife Conservation Society (WCS) est désastreuse, tant pour la nature que pour les peuples autochtones. Cette note d’orientation de l’expert de l’ONU sur les droits de l’homme et l’environnement dit la même chose, haut et fort. Il est plus que temps pour ces organisations et ces gouvernements d’abandonner leur modèle qui a échoué et qui est raciste et colonial, et de placer les droits humains et les peuples autochtones au cœur de la conservation et de la lutte contre le changement climatique. »
Ces hommes khadia ont été expulsés de leur terre après qu’elle ait été transformée en réserve de tigres. Ils ont vécu pendant des mois sous des bâches en plastique. Des millions d’autres seront confrontés à ce sort si le projet des 30% d’aires protégées se réalise. © Survival International
Notes aux rédacteurs :
“Notre terre, notre nature”, les 2 et 3 septembre 2021 à Coco Velten, 16 rue Bernard du Bois, Marseille.
Le congrès sera suivi d’une conférence de presse le 3 septembre 2021, de 10h00 à 11h00 CET.
Une manifestation appelant à la décolonisation de la conservation de la nature et à la justice environnementale aura lieu près du congrès de l’UICN à Marseille et en ligne le 3 septembre 2021 de 16h00 à 18h00 CET. Plus d’informations ici.
Parmi les intervenants figureront :
• Mordecai Ogada, écologiste kenyan et auteur de “The Big Conservation Lie”, qui expliquera le subterfuge qui se cache derrière les soi-disant “modèles de conservation de la nature communautaires” ;
• Guillaume Blanc, historien et maître de conférence, auteur de L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Éden africain, paru chez Flammarion ;
• Pranab Doley et Birendra Mahato, militants autochtones du parc national de Kaziranga en Inde et du parc national de Chitwan au Népal, qui exposeront les atrocités qui se cachent derrière la conservation de la nature sur leurs terres ;
• John Vidal, ancien rédacteur en chef des questions environnementales au Guardian ;
• Lottie Cunningham Wren, défenseuse des droits autochtones au Nicaragua, lauréate du prix Right Livelihood 2020 ;
• Victoria Tauli Corpuz, Tebtebba et ancienne Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ;
• Blaise Mudodosi Muhigwa, avocat et juriste environnemental congolais ;
• Archana Soreng, activiste khadia et membre du Groupe consultatif de la jeunesse du Secrétaire général des Nations unies sur les changements climatiques.
Autres points forts du mémo de l’ONU :
Boyd affirme que « les États doivent améliorer le projet de Cadre mondial pour la biodiversité post-2020 en garantissant que les approches fondées sur les droits soient obligatoires dans toutes les actions visant à conserver, restaurer et partager les avantages de la biodiversité, y compris le financement de la conservation. »
Il est très critique à l’égard de ce qu’il décrit comme des « améliorations modestes » du Cadre, soulignant qu’il « ne mentionne toujours pas les “droits humains”, n’exige pas de diligence raisonnable en matière de droits humains dans la planification et le financement de la conservation de la nature, n’appelle pas à la reconnaissance des droits à la nature des peuples autochtones et des autres détenteurs de droits ruraux, et n’inclut aucun objectif mesurable pour suivre l’intégration des approches fondées sur les droits. »
Il précise que l’expansion rapide des Aires protégées pour couvrir 30 % des terres et des eaux de la planète ne doit pas se faire au prix de nouvelles violations des droits humains à l’encontre des peuples autochtones et d’autres populations rurales.
Ces personnes et ces groupes « doivent être reconnus comme des partenaires clés dans la protection et la restauration de la nature », a déclaré Boyd. « Leurs droits humains, territoriaux et de propriété, leurs connaissances et leurs contributions à la conservation doivent être reconnus, respectés et soutenus. »
M. Boyd met en garde contre les approches de “conservation-forteresse” visant à restaurer une “nature sauvage vierge” sans habitants humains, affirmant que cette approche est fondée sur des croyances erronées et qu’elle a eu des effets dévastateurs sur les droits humains des communautés vivant dans les zones ciblées, y compris les peuples autochtones et autres habitants des zones rurales.
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